
La culture des fraisiers pour les nuls – et les autres.
A vrai dire, la culture des fraisiers n’est pas particulièrement compliquée au départ, alors pourquoi en faire tout un article ? Primo, pour se coucher tous un peu mois bêtes. Secundo, pour faire la liste des trucs qui font la différence entre « fraises à s’en faire exploser le ventre » et « pas beaucoup de fraises ». Et trimo – ou tertio pour ceux qui préfèrent le français correct – pour citer quelques variétés et leurs préférences.
Les bases.
Le fraisier est une Rosacée – la famille de beaucoup de nos fruitiers – comme le cerisier et le pommier. Il fleurit typiquement en fin de printemps, et forme ses premiers fruits autour du mois de mai.
C’est une petite plante vivace à rhizomes et à stolons, qui s’étend de proche en proche. Elle porte des feuilles composées de trois folioles dentées, et culmine à une vingtaine de centimètres de hauteur. Les fleurs apparaissent du printemps à la fin de l’été, elles sont en capitules jaunes, entourées de 5 ligules blanches, et mesure 2-3 cm. Il est difficile d’identifier les variétés de fraisiers sans voir les fruits, alors pensez à la noter au moment de la plantation.
Merci à Ewen Roberts pour ces jolies fleurs de fraisiers.
Nourrissons-nous avec un peu d’histoire.
Le fraisier fut cultivé en Europe dès le XIV° siècle, d’abord des variétés issues de Fragaria vesca, la fraise des bois, puis des variétés de Fragaria moschata – le fraisier câpron.
« Les fraisiers, voilà enfin un fruit bien de cheuh nous ! »
Hé bien… pas du tout ! Les fraisiers cultivés aujourd’hui sont des hybrides de Fragaria virginiana – le fraisier de Virginie, au goût et au parfum agréables – et de Fragaria chiloensis – le fraisier du Chili aux gros fruits blanchâtres… On nomme l’hybride Fragaria X ananassa, en raison de son odeur qui évoque l’ananas. Son obtention est racontée ici par Antoine Nicolas Duchesne.
Pour la petite histoire, le fraisier du Chili fut ramené par Amédée François Frézier au XVIII° siècle – un homme prédestiné par son patronyme, sans doute.
Bon, c’est bien joli tout ça, mais à quoi ça sert de le savoir, pour vous qui voulez simplement cultiver des fraises ?
La provenance d’une espèce donne des indices sur ses préférences écologiques : un des parents principaux est donc de la région de Conception, au Chili, où le climat est « méditerranéen chaud avec été sec », tandis que l’autre est « continental humide sans saison sèche » selon la classification de Köppen-Geiger. Il en résulte… des fraisiers qu’on peut cultiver un peu partout, surtout qu’au fil du temps les obtenteurs les ont encore hybridés avec d’autres espèces 😉 Ils sont moins exigeants que la fraise des bois, qui s’installe uniquement si elle le veut.
L’optimum écologique du fraisier.
Selon les observations d’Antoine Nicolas Duchesne, le fraisier ne pousse pas bien sous les tropiques où il a tendance à s’étioler.
Pour cultiver des fraises il faut donc : des hivers froids, un sol humifère drainé et qui reste frais, ainsi que du soleil ou de l’ombre légère. On considère également que les fraises préfèrent une légère acidité du sol, au risque de voir les feuilles se chloroser – jaunir puis sécher.
Les soucis si on s’éloigne de cet optimum de culture sont :
- Un pourrissement des plants en sol humide et froid durant l’hiver.
- Vous verrez vos fraisiers sécher rapidement en plein soleil en l’absence de paillage – on nomme d’ailleurs la fraise straw-berry, « baie de paille » en Anglais, tellement c’est un élément indispensable pour sa culture.
- Des températures de 25 °C combinées à l’eau stagnante et à des blessures racinaires favorisent la verticillose, un champignon qui bloque progressivement les échanges de sève. Les feuilles deviennent marron, puis se flétrissent.
Ce qui ne pose pas de soucis :
Cultiver les fraisiers en pot est facile, car ils ne font pas beaucoup de racines. Ils apprécient un mélange de terre, de sable et de compost léger. Il y a même ce DIY sur le blog pour en parler plus en détail.
Cultiver sur de petites buttes – qu’on peut dresser en tirant la terre – a le double avantage de faciliter le drainage en surface et d’augmenter la réserve d’eau en profondeur.
Merci à WalterPro pour la photo qui nous montre l’usage de cette méthode « en colline » pour la production commerciale. Bon, le plastique, on est moins fans.
Quand et comment
D’abord une petite remarque : acheter au printemps des plants et les repiquer au jardin, c’est tentant – on en voit plein les jardineries. Oui mais – vous n’aurez pas ou peu de fraises la première saison ! Il vaut mieux s’y prendre en automne – avant l’hiver ! Le plant aura le temps de s’installer, de faire des racines tout l »hiver en douceur…
Vous pouvez bien entendu acheter des fraisiers en godet ou en racine nue et les repiquer – en automne donc, de préférence, pour avoir une production décente au printemps suivant. Les acheter à un maraîcher proche de chez vous est le mieux, il aura fait à votre place le travail de sélection d’une variété adaptée au climat.
Sinon, le semis se fait avec des graines passées au froid durant 15 jours – réfrigérateur, ou froid hivernal. Il a lieu en février-mars en serre, un peu plus tard en pleine terre, et se fait en enterrant très peu les graines.
Le fraisier est une espèce hybride fertile, toutefois il est beaucoup plus aisé de le multiplier par marcottage – c’est à ça que servent ses stolons – que par semis. Pour les récupérer, un petit coup de plantoir en automne pour sortir la nouvelle motte, et hop ils sont prêts à être replantés – ou donnés à des amis qui rêvent eux aussi de fraises.
Merci à Alan Levine pour cette image qui montre bien comment les stolons peuvent s’étendre pour aller créer de nouvelles racines dans tous les espaces propices.
Garder ses fraisiers en bonne santé.
Les fraisiers sont des vivaces éphémères alors pour réussir à les garder, il faut chaque année opérer une sélection dans ses lignes en fin de saison. Cela consiste à enlever les plus vieux plants pour laisser de la place aux jeunes qui se sont formés par les stolons. Une autre méthode est de repiquer ces jeunes plants sur de nouvelles lignes, et d’enlever les plus anciennes.
L’autre incontournable avec les fraisiers est de leur fournir chaque année du paillage ET du fumier ou du compost en surface. Les variétés que nous cultivons ont été sélectionnées pour former de gros « fruits », elles épuisent les sols rapidement. Et le paillage ne sert pas seulement à garder l’humidité, il évite que les fraises ne pourrissent au contact du sol.
Fraisier remontant ou non ?
Pour rappel, le terme remontant signifie qu’un fraisier fleurit sur une longue période – tous ses fruits ne se forment pas au printemps, mais plutôt de mai-juin à septembre.
Il existe des fraisiers remontants depuis très longtemps – la première mention en fut faite en 1760. C’est un caractère à privilégier lorsque vous choisissez une variété pour votre jardin, sinon vous risquez d’avoir une production importante, mais sur une période si courte que votre ventre aura du mal à suivre.
Variétés.
N’hésitez pas à acheter différentes variétés de fraisiers, même si vous préférez le goût d’une seule d’entre eux, vous limiterez les risques de maladies et étendrez la période de récolte.
- Mara des bois : un fraisier intéressant car issu du croisement avec la fraise des bois.
- Gariguette : une variété très connue, car elle a relancé le marché de la fraise qualitative en France. Facile à reconnaître, avec sa pointe double, elle a l’inconvénient de ne pas être remontante.
- Mariguette : hybride des deux variétés précédentes, il présente l’avantage d’être remontant, avec la qualité gustative d’une gariguette.
- Fraisier des Quatre Saisons : sélectionné à partir de l’espèce Fragaria vesca, il fait des fraises des bois un peu plus grandes.
- ‘Mount Everest’ : produit des tiges très longues, utilisable comme plante grimpante. Pratique sur un balcon. C’est une variété américaine remontante.
- ‘Maxim’ : très gros fruits. Non remontant, il sert surtout à impressionner les convives 😉
- ‘Capron Royal’ : intéressant à essayer, si vous voulez avoir une idée des variétés qui existaient avant le XVIII° siècle.
- ‘Ananas’ : à essayer par curiosité, c’est le parent de la plupart des variétés modernes.
- Variété précoce : ‘Ciflorette’, non remontante.
Groww et vos fraisiers.
Nous avons créé Groww, une application mobile, qui vous aide à vous occuper de toutes vos plantes au long de l’année. L’application peut par exemple vous rappeler quand et comment fertiliser ou arroser, et aussi tenir la liste de vos futurs projets de plantations et de semis.
Merci à PolynnFrog pour la jolie photo d’en-tête.