
Éloge du jardinage patient et paresseux.
Si vous êtes de fidèles lecteurs de ce blog vous l’avez compris, nous sommes adeptes du jardinage paresseux. Est-ce un pécher capital ? On sait pas trop, mais on préfère se préoccuper du pêcher qui produit des fruits duveteux et sucrés !
Comme le dit Gilbert des Fraternités Ouvrières (où nous passons parfois le dimanche matin), au jardin il faut prendre le temps de regarder et de comprendre, avant d’agir :
«Un bon jardinier doit être paresseux (…). Si on s’active trop dès qu’on voit un problème, on n’a pas le temps de comprendre le problème et il va toujours revenir. Par exemple, si des pucerons cendrés s’attaquent aux choux, y a des gens qui vont retirer tout de suite le chou malade. Mais le lendemain, ils vont se rendre compte qu’un autre chou est attaqué. Alors que si on ne fait rien, le premier chou sera bouffé en entier, pendant ce temps-là, les autres choux vont se renforcer et les pucerons les boufferont pas. Mais ça, c’est dur à faire comprendre aux gens, qu’il faut rien faire.»
Il y a le bon jardinier paresseux et le mauvais jardinier paresseux !
« Le bon jardinier paresseux, il voit un truc qui pousse, il observe et il attend. »
« Le mauvais jardinier paresseux, il voit pas le truc qui pousse, parce qu’il a autre chose à faire. »
Les paresseux(ses) qui laissent traîner une situation, puis qui réagissent brutalement parce qu’ils commencent à être dépassés… Ne valent pas le jardinier observateur, optimiste et patient qui a conscience que son jardin vit à un rythme trèèèèès lent, et que certaines réactions prennent des années.
La différence, c’est que pour bien jardiner il faut comprendre des dynamiques, pas des états de fait.
Cas concret : je remarque qu’une plante a des feuilles qui se recroquevillent et qui sèchent. Imaginons trois réactions, par trois jardiniers.
- Si je suis un jardinier hyper-actif et réactif, je lui balance sur la tête le premier insecticide que je trouve, et en moins de quinze minutes c’est « plié ». Je zigouille donc ces fourbes de pucerons qui étaient planqués au dos des feuilles, et je brise tout un maillon de la chaîne alimentaire à laquelle ils appartiennent. Les prédateurs de pucerons crèvent de faim dans la foulée, et la prochaine fois qu’ils y aura des pucerons, ce sera de nouveau à moi de gérer l’infestation. Je sais pas pourquoi ils sont venus et je m’en fiche, parce que « tout le monde » sait bien que c’est des bestioles parasites opportunistes et que ça leur suffit comme raison d’exister et de faire du mal.
- Si je suis un jardinier indifférent, je ne vois pas qu’il y a des pucerons sur les feuilles. Comme j’ai de la chance, et parce que les pucerons c’est pas si grave, ma plante se débrouille pour survivre avec l’aide des prédateurs des pucerons. Elle survit comme ça pendant quelques années, au bout d’un moment elle meurt, et je me dis que ça devait être à cause d’une attaque soudaine de pucerons. Parce que tout le monde sait que c’est des bestioles parasites opportunistes et que ça leur suffit comme raison d’exister.
- Dans le dernier cas, je suis paresseux, mais j’ai remarqué les pucerons depuis mon hamac. Je ne traite pas forcément, parce que les plantes qui ne survivent pas toutes seules, c’est la plaie. Comme dans le cas précédent, ma plante survit à la première attaque. Par contre quand je me rends compte que les infestations sont un peu trop régulières pour une plante en bonne santé, je m’interroge. Est-ce que mon jardin est capable de s’auto-réguler correctement ? Est-ce que j’aurais pas planté au mauvais endroit ? Est-ce que j’ai planté toujours la même espèce, ce qui favorise le transfère des maladies ? Etc.
Comme j’ai pu observer une dynamique sans la modifier prématurément, je peux en tirer des conclusions sur mon jardin. Après, faire la bonne action pour régler la situation est plutôt simple.
Etre paresseux, c’est la garantie de laisser à son jardin le temps de récupérer après ses bêtises.
Qu’on se le dise, dans les jardins les réactions les plus importantes sont invisibles, et se déroulent à un rythme qui échappe au commun des bipèdes. Éroder un sol ou l’épuiser peut prendre des décennies sous les climats tempérés. Mais quand c’est fait, le retour en arrière est très difficile.
Qu’on se le dise également, jardiner c’est forcer – plus ou moins – la « nature » dans une direction qu’elle ne prendrait pas spontanément. Donc on fait régulièrement des « erreurs » ou on crée des déséquilibres que la « nature » tente de combler, en rejoignant l’état d’équilibre le plus proche. D’où les « mauvaises herbes », attaques de limaces, infestations de cochenilles et autre.
Beaucoup ont jardiné de façon intensive – bio ou pas – pendant des années en croyant qu’en re-livrant de l’engrais ou des fertilisants régulièrement ils compensaient tout ce qu’ils consommaient. Et puis est arrivé un moment où la production a diminué.
Peut être parce qu’ils ont épuisé une ressource plus rare que les classiques NPK, ou qu’ils ont « travaillé » leur sol trop souvent, lui faisant perdre sa fertilité – sa capacité à décomposer la matière organique. Les causes sont multiples et se combinent. Une fois arrivé à cette situation, même si on trouve la ou les causes du « problème », la solution est longue à mettre en oeuvre, coûteuse et difficile.
Alors qu’avec une approche plus mesurée, le sol peut se régénérer au rythme où les plantes se développent, et il ne puise pas dans ses réserves – qui ne sont pas inépuisables.
Et puis à quoi bon avoir un jardin si ce n’est pas pour prendre le temps d’en profiter ?
A vous, jardiniers inquiets et travailleurs : n’attendez pas l’autorisation du calendrier lunaire pour profiter du jardin ! Le jardinage, c’est pas comme la cuisine : l’homme ne maîtrise pas tout, il n’y a pas de recette absolue. le jardin est un milieu ouvert, et les conditions varient chaque année. Dans son fonctionnement entrent une multitude de facteurs que vous ne mesurez pas, alors comptez sur vos plantes – qui ont des milliers d’années d’évolution derrière elles – pour s’adapter.
Une attitude qui vous fera progresser au jardin : »si une plante ne s’adapte pas chez moi, pas la peine de la maintenir en vie à bout de bras. Je peux la déplacer pour voir si l’emplacement ne lui convient pas, mais si elle gèle ou meurt, je trouverai bien autre chose qui se plaira parfaitement là. » Ma plante ne meurt pas parce qu’elle m’en veut personnellement. C’est avec mon jardin qu’elle interagit.
Après la tartine théorique, quelques conseils pratiques.
- Commencez par planter des arbustes : ils servent de ressource pour le compost, ne s’entretiennent qu’une fois ou deux par an et abritent la biodiversité.
- Vous voulez des fleurs ? Plantez d’abord des bulbes et des vivaces rustiques, adaptés à votre climat et à votre sol.
Au potager, optez pour les légumes perpétuels. - Cultivez en pleine terre plutôt qu’en pot.
- Paillez.
- Évitez le piège de la pelouse – optez pour la combinaison – massifs fleuris, prairie et zones sèches – comme les graviers.
- Variez les espèces, vous limiterez les épidémies potentielles.
- La « productivité » ne doit pas être votre première préoccupation. Trouvez l’équilibre, et n’écoutez pas les sirènes du type qui vous promet une « productivité démultipliée » grâce à la « tourapatate », à la fertilité magique des « buttesdepermaculture » et aux « culturesenlasagnes ». Le jardin, c’est pas une usine à bouffe bio.
Source photographique : The hills are alive*.
La prairie demande un entretien beaucoup plus ponctuel que la pelouse, et elle héberge un cortège d’espèces utiles au jardinier. Alors on oublie le regard des voisins, et on laisse pousser !
Un lien vers un article excellent de Sami Grover sur le même sujet, pour les anglophones.
Et Groww, c’est quoi ?
Le jardinage paresseux, ça vous dit? Nous avons créé Groww, à la fois site et application de jardinage, gratuite, qui vous aide à savoir quoi faire, quand, et comment au jardin en fonction de vos plantes, de votre localisation géographique, du temps qu’il fait… Groww est disponible pour Iphone et Ipad ici et pour android là.
Merci à Denis Defreyne pour l’image d’en-tête.
Lyric
‘ slt le message devrait etre temperé.. Pour ceux qui commencent; il faut etre paresseux mais volontaire ..’ par exemple : ca fait 3 ans que je laisse tra’quil le puceron cendré pour le réguler et ca marche pas ‘… Ce qui valable pour un jardin ne le sera pas pour un autre .. Soyez donc prudent avec les conseils des uns et des autres : .’Alors que si on ne fait rien, le premier chou sera bouffé en entier, pendant ce temps-là, les autres choux vont se renforcer et les pucerons les boufferont pas.’ ou pas .. Car le puceron cendré se développé en un insecte volant qui va se propager dans le jardin a la recherche de nouveau chou (que vous l’arrachiez ou pas..) je n’ai pas de solution a vous proposer et je vous invite juste a ne croire au jardin mais a faire et voir par vous même.. Un chou pleins de pucerons cendré n’est ni appétissant ni vraiment vendable et devra etre bien netoyê… La limite de ma feneantise c’est justement d’essayer le plus possible d’avoir des plantes en bonne santé et dans la période de climat la plus favorable a la vatietee (qui dépends de vos graines et de votre climat..)
Benoit
Vous avez raison, mais si vous lisez d’autres articles, vous conviendrez que nous ne passons pas notre temps à dire qu’il ne faut rien faire, loin de là !