
La différence entre terre et sol vivant.
Chez groww nous défendons l’idée que pour bien jardiner et bien cultiver, il faut travailler sur un sol vivant.
C’est bien gentil me direz-vous, mais sol « vivant », ça rime à quoi ? C’est une sorte de culte à la terre ? Non, plutôt un culte à la vie 😉
Cet article vise à vous expliquer cette notion le plus simplement possible. D’abord nous allons revenir sur les éléments minéraux qui forment sa « texture » avant de parler du rôle de l’humus et de la matière organique. Ensuite nous aborderons les interactions nécessaires entre plantes, champignons et des animaux pour garder un sol qui se régénère tout seul.
La texture du sol
La texture du sol est sa composante minérale. La composante dite « grossière » de la terre désigne :
- les cailloux
- les graviers.
Ils intéressent assez peu les jardiniers.
La partie « fine » de la terre contient en proportions variables – du plus grand au plus petit :
- les sables.
- les limons.
- les argiles.
Cette terre fine est la plus intéressante pour les jardiniers et les agriculteurs, car elle est capable de retenir et d’échanger les éléments nutritifs.
L’organisation du sol.

Un sol de profil ça ressemble à ça.
Crédits photographiques : Soil Science
- Sur les 5 premiers centimètres se trouve la litière.
- Ensuite sur 20 centimètres on rencontre un mélange de matière organique et de terre.
- Plus bas on rencontre surtout des particules lessivées – matière organique et ions.
- Ce n’est pas visible sur l’image, mais en creusant encore plus profond on finit par trouver la roche mère, qui fournit certains des ions du sol. Sa nature est donc très importante, notamment sa nature calcaire ou non. Après, il faut faire avec, on ne la changera pas.
L’importance des argiles
Contrairement à ce que croient trop de jardiniers, l’argile est très bon signe dans votre jardin, et une alliée. Alors pourquoi ne l’aime-t’on pas ? Parce qu’une fois maltraitée, elle colle aux bottes.
L’argile est chargée négativement, dans un sol fertile elle se combine avec de la matière organique, des ions calcium et magnesium. Associée ainsi, l’argile est dite floculée – elle forme de petits agglomérats, retient l’eau et permet les échanges chimiques avec les racines et la partie liquide du sol. Là, elle ne colle pas trop, et ne se compacte pas à la première pluie.
Associée en plus avec des sels de fer et d’aluminium, elle forme les complexes Argilo-Humiques. Ce complexe forme des agrégats qui sont le support de vie de champignons, de bactéries utiles et des fines racines. Et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Bah alors, pourquoi elle devient toute collante et inerte dans les champs ? Parce que la plupart des manipulations mécaniques « classiques » au jardin – labour/retournement du sol, désherbage systématique et terre laissée à nu, excès d’engrais – brisent cette structure.

Laissée a nu, sans matière organique, l’argile s’abîme vite.
Source photographique : shorty76.
Les ions calcium et magnesium sont alors remplacés par des cations plus petits, les feuillets d’argile se rapprochent, et le sol devient facilement compactable, collant. Il perd par conséquent une partie de sa capacité à retenir les nutriments dans l’affaire. Et il est mal oxygéné, ce qui gène les réactions.
Donc il faut alimenter l’argile en matière organique, et qu’elle ai accès à du fer et du calcium – rôle de la roche mère – pour donner le meilleur d’elle même.
La vie du sol
Les interactions qui se déroulent dans le sol sont complexes, donc nous n’expliquerons pas tout ici. Simplement, il faut comprendre que chaque « travail de la terre » a des conséquences. Comme elles ne sont pas immédiatement visibles, on a tendance à les ignorer. Seulement, sur le long terme les conséquences sont lourdes, et prennent beaucoup de temps à réparer.
L’humus et le complexe argilo-humique.
L’humus est le fruit de la dégradation des matières organiques fraîches de la « litière« . Il contient donc des bactéries, des champignons et des protozoaires qui travaillent pour décomposer les molécules en éléments ré-exploitables. A la fin de séries de dégradations et de recompositions, ces matériaux redeviennent disponibles pour vos plantes.
L’autre avantage que fournit l’humus est qu’il libère des particule dont la réaction avec les ions calcaire améliore la structure du sol. Le sol humifère supporte donc mieux les manipulations, et est plus favorable à la culture. Hé oui.
Notez qu’un compost bien fait et mature a les même propriétés que l’humus. La seule différence est dans la vitesse des réactions qui sont accélérées dans le compost.
Un humus ou un compost en permanence en surface est donc incontournable, si on ne veut pas se retrouver en quelques années avec un sol collant, qui se compacte à la première pluie et s’appauvrit malgré les apports d’engrais.
Les racines et leur rôle dans le sol vivant.
On sait comparativement peu de choses sur les racines par rapport aux parties aériennes. Pourtant, c’est là que la majorité des enjeux sont pour la vie des plantes. Eau, nutriments, symbioses, maladies, tout commence souvent à la racine. Sans jeu de mot.
Les échanges avec le sol sont faits exclusivement par les poils qui recouvrent le « chevelu racinaire ». Les grosses racines n’ont qu’un rôle d’acheminement de la sève. Si vous avez regardé la coupe de sol affichée plus haut, vous comprendrez que seules les racines situées dans les 20 premiers centimètres du sol puisent des nutriments – plus bas, elles n’en trouveraient pas beaucoup.
Les racines profondes sont chargées de trouver de l’eau, et d’ancrer la plante. En dessous de 20 cm, la majorité des nutriments sont « minéralisés », ils ne sont plus disponibles.
Au contact des racines se trouve la rhizosphère, qui est très riche en substances élaborées par les racines et qui stimulent l’activité microbienne à proximité. La présence de racines vivantes – même celles des « mauvaises herbes – est donc largement plus bénéfique pour le sol que de le laisser à nu.
Ces racines participent donc à améliorer la vie du sol, et elles favorisent son aération. Mécaniquement, les racines des végétaux forment des fissures qui permettent les échanges avec la surface. Le Dr Georges Siegenthaler explique aussi que la vie à la surface des racines est l’équivalent pour elles d’un intestin externe. Chaque cm3 de terre « végétale » contient des millions d’organismes, des champignons aux insectes qui « préparent » les nutriments pour la plante.
Les mycorhizes, symbiotes des racines.

Les mycorhizes sont les petits filaments blancs autour des racines.
Source photographique : Patrick Poitras.
Parmi les organismes qui accompagnent les racines des arbres et des arbustes, le plus célèbre est la mycorhize. Le mycélium – son organisme – de ce champignon peut être gigantesque – plusieurs centaines de mètres de filaments microscopiques. Les mycorhizes font des échanges symbiotiques mutuels avec les racines – elles échangent des carbones organiques contre des éléments nutritifs, des sucres, des antibiotiques et des phytohormones.
« Oui elles sont utiles tes mycorhizes, groww, mais comment on les fait venir ? »
– Comme souvent avec les champignons, ils s’installent si le sol leur convient. Donc il faut les laisser s’associer à vos plantes, ce qui peut prendre des années. Ce qui est sûr est qu’ils détestent les sols trop chargés en azote et les fongicides, donc attention aux apports et aux traitements.
Les vers de terre.
Qu’on se le dise, un vers coupé en deux produit généralement seulement deux morceaux de vers mort. N’en déplaise aux légendes tenaces.

Oh le mignon petit lombricounet… S’il se tortille, c’est parce que la chaleur humaine le « brûle », notez.
Les vers remplacent avantageusement un motoculteur ou une charrue. Ils forment des galeries tapissées de leurs excréments que les racines vont pouvoir suivre avec délectation – comment ça on a jamais vu une racine se délecter ? Il faut regarder un peu mieux, c’est tout.
Seulement, comme toujours il faut les laisser travailler, donc ne pas écraser le sol avec des engins lourds – comme ça arrive généralement à la construction des bâtiments – ni les découper à la motobineuse à chaque automne.
Les vers ont un rôle essentiel dans le cycle de l’azote, puisqu’ils remettent en circulation une partie de celui disponible dans le sol, ce qui évite de ramener chaque année des monceaux de fumier et de compost.
L’azote, facteur limitant du sol.
Enfin, c’est le second facteur limitant, après l’eau évidemment.
L’azote et les nitrates, ça vous dit quelque chose, non ? Hé bien c’est effectivement essentiel pour les plantes, surtout pour les développement des tiges et des feuilles.
Il existe un cycle de l’azote dans le sol, qui d’une part recycle l’azote relargué par la matière organique en décomposition, et d’autre part fixe l’azote de l’air. Seulement, il faut un sol déjà riche en azote pour avoir beaucoup de ces bactéries fixatrices et régénératrices ! Pour faire simple, l’argent va à l’argent, et l’azote va à l’azote, quoi.
Par Nojhan — Travail personnel, CC BY-SA 3.0
Donc, un sol pauvre en azote reste pauvre, à moins d’apports très réguliers de matière organique de qualité pour multiplier les bactéries fixatrices sur le long terme. Si on n’apporte que ponctuellement des nitrates, les bactéries ne savent pas l’assimiler, donc on ne renforce pas son cycle de l’azote. On alimente juste les racines quelques semaines avant que le reste soit lessivé puis minéralisé.
En conclusion : le sol, c’est si compliqué ?
Une fois de plus, et à force vous allez nous soupçonner de vous pousser à la paresse : « moins on en fait, mieux le sol se porte ». Et quand on fait quelque chose, il faut le faire progressivement, sur de longues périodes.
Le sol est à son pique d’activité et d’efficacité pour alimenter vos plantes quand :
- il n’est jamais labouré ni motoculté
- que personne ne fait des ajouts excessifs d’engrais ou de fumier
- qu’il est couvert par de la végétation ou une litière de matière organique
- qu’on n’utilise pas de désherbant, de pesticides ou de fongicides.
- qu’il n’est pas compacté par des engins, des bottes en caoutchouc ou des talons aiguilles.
C’est plutôt simple, en fait : le sol s’auto-régule et se rééquilibre avec l’aide des plantes par rapport à tout ce qui peut lui arriver naturellement. Donc, plus on s’éloigne de situations normales pour lui, moins il est capable de se rééquilibrer, et plus le jardinier doit intervenir, jusqu’à l’absurde.
L’histoire du jardinier qui avait des plaques de mousse dans son gazon.
Pensez à Michel le voisin jardinier qui se balade avec des chaussures à clous pour décompacter son gazon. Parce que les spécialistes des gazons de terrain de golf disent qu’il n’y a que ça à faire pour avoir un gazon « nickel ».
Ce qui arrive à tous ces braves gens est qu’ils coupent tellement court les feuilles – quelques centimètres – que leurs graminées n’ont plus que de courtes racines. Elles ne décompactent plus le sol en profondeur, et deviennent vulnérables à la sécheresse.
En plus, les déchets de tonte s’accumulent en surface entre les tiges, et forment un feutre très dense. Les vers de terre n’ont pas accès à cette litière qui est « suspendue », ils ne viennent plus faire de galeries. Avec le piétinement régulier du passeur de tondeuse, on se retrouve progressivement avec une asphyxie de la surface, et puis des vides dans la pelouse qui ne permettent plus que le développement des mousses. Parce que les mousses se moquent que le sol soit compacté.

Mousse et gazon, une longue histoire.
Source photographique : Mary-Frances Main
Plantains et pissenlits se resèment dans les interstices pour tenter de décompacter la surface avec leurs belles racines pivotantes – mais notre brave jardinier croit à ce moment qu’ils sont responsables de l’état de sa pelouse. Et leur envoie un désherbant « sélectif ».
Pour lui la pelouse et le sol c’est effectivement compliqué. Parce qu’il veut tout maîtriser. Mais pour vous qui avez lu cet article jusqu’ici, le sol est un allié à découvrir, et à respecter, non ?
Pour ceux qui ont du courage, un exposé très intéressant et franchement pointu sur le sol, proposé par un vigneron docteur en biochimie : Dr Georges Siegenthaler
Source photographique de l’image d’en tête : ophis.