
Nous on aime les limaces !
Chaque année, c’est un peu la même chose : les jeunes plants poussent, le soleil brille, et soudain c’est la catastrophe : un matin, le jardinier découvre horrifié son potager dévasté par les fameuses limaces. Et il cherche des solutions à son problème.
Sans s’attaquer aux causes. Sans essayer de comprendre d’où viennent ces bébettes, pourquoi elles sont là, et comment il pourrait agir en amont. Vous voulez un indice? Dans la forêt, il n’y a jamais trop de limaces. Il y a une régulation, un équilibre se fait : s’il y a beaucoup de limaces il y a beaucoup de prédateurs de la limace… Dans nos jardins, cet équilibre est rompu parce que nous concevons des espaces qui accueillent sans problème la limace, mais pas assez ses prédateurs naturels.
Les limaces, sujet tellement récurrent chez les jardiniers ! Groww se devait de faire un petit article, d’autant plus qu’on a un avis assez tranché sur la question… Car oui, on va vous l’avouer tout de suite, nous, on les aime bien les limaces – ces rigolotes petites bêtes, tellement douées pour plein de choses, y compris échapper même aux plantes carnivores…
Haha. Dans la vie faut qu’ça glisse !
La vie est belle, n’est ce pas? Alors pourquoi faire la chasse aux limaces, peut-être y a -t- il moyen de vivre en bonne entente…? Bon, avant de vous dire comment nous, nous y prenons, faisons ensemble le tour des solutions souvent proposées :
Pour commencer… La bière !
Super classique, il suffit de faire une petite recherche sur Google et la plupart des résultats mentionnent cette fameuse solution… qui est loin d’en être une !
En effet, les limaces adorent la bière, certes, voire feront des kilomètres pour venir s’abreuver à votre openbar – mais elle ne tombent pas forcément dans le piège… Pour vous en convaincre, une superbe vidéo en « time-lapse » !
Comme vous pouvez le voir, les limaces vont et viennent, comme de vulgaires pochtrons vont au bistrot ! A part attirer toutes les copines vers votre potager, efficacité nulle ! Sans compter que d’autre animaux, hérissons inclus, et d’autres insectes en particulier des staphylins et des carabes, ennemis jurés des limaces, peuvent s’y noyer aussi! Du coup, c’est la fiesta toute la nuit dans votre potager et au petit matin un carabe noyé, c’est 10 limaces voraces qui s’en donneront à coeur joie sur vos laitues…
Cendre, coquilles d’œufs, aiguilles de pin et autres bandes de cuivres
Remèdes classiques, et là aussi, efficacité assez moyenne, sans compter que la cendre ou les aiguilles de pin ne sont pas toujours tolérées en excès au potager !
Certains jardiniers posent autour de leurs cultures des bandes de cuivre : les limaces détesteraient le contact du cuivre: ça doit leur faire un peu l’effet que donne une pile 1,5 v quand on pose les électrodes sur la langue, beurk…
On avoue, on a jamais essayé le cuivre! La cendre disparait à la première pluie, les aiguilles de pin apportent beaucoup d’acidité, bref, on n’est pas convaincus… mais n’hésitez pas à nous en faire part ici si vous obtenez des résultats !
L’anti-limaces
Le produit dit « bio » à base de phosphate ferrique (souvent appelé « Ferramol« ) se trouve en jardineries. Contrairement aux autres granulés notamment ceux à base de métaldéhyde (heureusement) désormais interdits, ce produit est toléré en agriculture bio. En plus, c’est pernicieux : ses effets ne sont pas immédiats car les limaces ne meurent pas sur place mais dans leur refuge, sans traces de bave. Vous ne les voyez même pas souffrir! Mais évidemment, toléré ne veut pas dire absolument neutre, et évidemment pas indolore pour le porte-monnaie… Vous l’aurez compris, ce n’est pas non plus notre solution préférée… On préférerait pour notre part leur donner des croquettes moins nocives :
Alors, quoi?
Alors quoi, comment lutter ! Eh bien justement, peut-être en ne luttant pas. « La meilleure défense c’est l’attaque » est un adage qui ne se justifie pas du tout au jardin. Les limaces sont des habitants du jardin, nécessaires, voire indispensables à l’équilibre et à la bio-diversité.
Vouloir les éliminer, c’est chercher à introduire un déséquilibre, brutal qui plus est, alors que l’on devrait viser à atteindre peu à peu un équilibre dans un écosystème riche et varié – que chacun ait de quoi survivre, manger, sans déranger le voisin. Sans compter que si on y réfléchit deux secondes, c’est complètement idiot : supprimez les limaces, et vous faites diminuer les populations de prédateurs de la limace. Qui revient en force très vite ! Essayez, ça marche aussi avec les pucerons : si vous les éliminez, ne vous étonnez pas de voir les coccinelles fuir votre jardin… Et les pucerons de ramener leur fraise sur VOS fraises, goguenards…
Bref, vous voulez avoir droit à de belles salades? Laissez aux limaces de quoi se nourrir au lieu de les pourchasser. On l’a pas inventé tout ça, c’est Hervé Covès, ingénieur agronome qui le dit bien mieux que nous :
« Si on est obligé d’assassiner quelque chose pour vivre, c’est qu’il y a un problème. »
Hervé est un fervent défenseur des limaces, et de la vie en général ! N’hésitez pas à écouter son accent chantant dans cette vidéo !
Clair comme de l’eau de roche, pas vrai? Cela dit, il faut quand même faire quelque-chose si vous voulez vivre en bon entente : cela va consister à réfléchir à la façon dont votre espace est conçu, faire quelques petits aménagements pour l’optimiser, et favoriser la biodiversité…
Le tout calmement, à la vitesse des limaces ! Car comme le dit Gilbert des Fraternités Ouvrières (où nous passons parfois le dimanche matin), au jardin il faut prendre le temps de regarder et de comprendre, avant d’agir :
«Un bon jardinier doit être paresseux (…). Si on s’active trop dès qu’on voit un problème, on n’a pas le temps de comprendre le problème et il va toujours revenir. Par exemple, si des pucerons cendrés s’attaquent aux choux, y a des gens qui vont retirer tout de suite le chou malade. Mais le lendemain, ils vont se rendre compte qu’un autre chou est attaqué. Alors que si on ne fait rien, le premier chou sera bouffé en entier, pendant ce temps-là, les autres choux vont se renforcer et les pucerons les boufferont pas. Mais ça, c’est dur à faire comprendre aux gens, qu’il faut rien faire.»
Et du coup, laisser tout le monde vivre – comme le dit souvent Hervé – la vie est belle !
Le ramassage
Alors, première technique respectueuse, facile et pas chère, ramasser les bestioles. Evidemment, c’est long et fastidieux, mais vous avez un avantage indéniable : les limaces ne vont pas très vite ! Enfin en général…
Le ramassage est à pratiquer le matin tôt ou en fin de journée à la lampe de poche, ça amuse beaucoup les enfants. Juste après la pluie, ça marche bien aussi ! Certains y vont, de nuit, à la lampe frontale, pourquoi pas?
A ce moment là, deux méthodes s’affrontent :
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- La gestion balistique des limaces – la balistique étant la science qui a pour objet l’étude du mouvement des projectiles – ce qui revient à les envoyer, une par une, tzoing, dans le jardin du voisin. Personnellement, on préfère de loin la seconde…
- Les regrouper au bout du jardin dans un coin bien à elles, abrité et à l’ombre, humide, avec de quoi les nourrir (restes de légumes abîmés ou plants rien que pour elles !), des planches et tuiles pour qu’elles s’abritent, vous risquez de les rendre heureuses.. loin de vos plants à vous!
Suivez ensuite leurs déplacements, observez : si elles ont tendance à revenir dans votre potager, c’est que la place que vous leur avez choisie ne leur convient pas. Trouvez mieux. Trouvez des parades. Imaginez.
Les planches, cartons et tuiles
Il y en aura toujours qui viendront, cela dit ! A mettre aussi au potager, cartons, tuiles, planches au sol : Les limaces se réfugient en-dessous avant le lever du jour ; il suffit alors de retourner les planches pour les capturer et les couper en deux les renvoyer au paradis des limaces, au bout du jardin! A pratiquer toute la saison, mais surtout pendant les périodes sensibles, notamment après les semis.
Des aménagements intelligents
Les limaces aiment les surfaces planes. Le potager du père de Benoit est dallé de jolis carrés de pierre bleue. C’est simple, on dirait une autoroute, quand il pleut c’est Holiday On Ice pour les limaces (avec le restoroute à côté, qui leur tend les bras) ! A éviter, donc ! Par contre, un potager aux planches surélevées leur est un obstacle, surtout si les bords sont droits – faits de planches de bois – voire doublés d’une gouttière – qui leur rend vraiment la vie compliquée !
Nous avons fait ça, et globalement, il y en a peu de courageuses pour se taper l’Everest ! Et si, à côté, plus loin, vous leur laissez des plantes rien que pour elles et un environnement adapté, les limaces sont comme le jardinier, elles n’aiment pas se fatiguer inutilement : elles iront là où vous les attirez !
Enfin, en acceptant quelques limaces dans votre jardin, vous y accueillerez aussi ses ennemis naturels – qui viendront y chercher leurs proies… Les plus importants ne sont pas les hérissons, grives ou crapauds, à la présence aléatoire et saisonnière, mais les insectes : carabes, staphylins odorants, vers luisants, mille-pattes…
Le carabe doré, en particulier, est un prédateur naturel de la limace, et vous pouvez l’attirer facilement, hop, un peu de lecture.
Et bien sûr, les canards !