
Le maraichage péri-urbain, c’est possible !
Aujourd’hui, la plupart de nos fruits et légumes viennent de loin, parfois très loin. Si les circuits courts se développent depuis quelques années (comme c’est le cas à Lille avec nos copains du Court-circuit, ou encore de Talents de ferme, un collectif de producteurs où on fait souvent nos courses de produits frais, locaux, et booons ! ^^), il suffit de regarder les étals des supermarchés pour le comprendre : en 2015, la distance moyenne parcourue par un produit alimentaire entre son lieu de production et l’assiette du consommateur s’établit à… 2 000 km ! Mais ça n’a pas toujours été le cas : avant l’ère du transport facile et bon marché (et polluant… on est d’accord), il fallait bien produire plus près !
L’exemple des hortillonnages
Les hortillonnages, c’est un espace marécageux à l’est d’Amiens, comblé – probablement à l’époque gallo-romaine – pour créer des champs utilisables pour la culture maraîchère.
Pendant des siècles cet espace a été cultivé – il y aurait eu plus de 10 000 hectares de surface utilisée! Près d’un millier d’hortillons – c’est le nom donné aux maraichers – y travaillaient en 1906, mais il ne reste aujourd’hui qu’une dizaine d’exploitations en activité – sur à peine 25 hectares – le reste a été transformé en jardins d’agrément par des particuliers, voire en résidences secondaires.
De par les spécificités du lieu, les hortillons ont inventé toute sortes d’outils spécialisés, comme la barque à cornets – à l’extrémité relevée et allongée – dont la forme est étudiée pour pouvoir accoster sur les parcelles sans détériorer les berges , et dont la taille – jusqu’à 10 mètres – leur permettait de charger jusqu’à une tonne de fruits ou de légumes. Les hortillons nourrissaient la ville d’Amiens, en circuit court !
Au cours du siècle dernier, l’apparition du transport ferroviaire, puis routier, ainsi que des possibilités de transports frigorifiques mît un sérieux coup d’arrêt à l’activité dans les hortillonnages.
On les visite encore aujourd’hui : clic.
Le maraichage en proche banlieue de Paris au 19ème.
Il n’y a pas qu’à Amiens que l’on a cultivé en proximité des villes !
Pour s’en convaincre, on trouve d’ailleurs, publié sous licence google un PDF d’un livre plein de ressources : le Manuel pratique de la culture maraîchère de Paris de Moreau et Davernes :
Ce petit livre précise avec force détails comment les maraichers du siècle dernier, enfin même celui d’avant maintenant, arrivaient à concilier des cultures à la fois respectueuses de l’environnement, et hyper-productives sur de petites surfaces, en préconisant :
- L’utilisation de couches chaudes pour les cultures précoces, notamment avec le fumier issu des chevaux parcourant les rues de Paris (oui, maintenant, ça va être plus compliqué…)
- L’emploi de matières organiques pour fertiliser le sol en compostage direct au sol.
- La diversification des variétés afin d’étaler les productions et d’obtenir une biodiversité plus importante
- La pratique du paillage dont Groww vous rabat les oreilles !
NB : En cliquant sur le lien, vous pourrez télécharger la version libre de ce petit ouvrage. Pour ceux qui trouvent que la lecture d’un PDF (un peu) mal scanné est laborieuse, on trouve une version « kindle » pour quelques euros, cherchez vous mêmes 🙂
Les murs à pêches.
Très bien, mais si on cultivait à proximité des lieux de consommation, du coup, au nord de la Loire on devait manger des choux et des carottes à peu près toute l’année, et des pommes et des poires?
Hé bien non, justement.
A partir du 17ème siècle se construisent à Montreuil, en proche banlieue parisienne, les fameux murs à pêches, pour couvrir au plus fort de leur production en 1870 600 km de linéaire et fournir 17 millions de fruits à la capitale! La culture contre les murs de presque 3 mètres de haut et talochés de plâtre, qui protégeaient les arbres et leur garantissait douceur et ensoleillement maximal – permettaient de produire sous le climat de la région parisienne des variétés de fruits, habituellement réservées aux climats doux du sud de la France.
La production de pêches étaient complétée par des cultures florales – lilas, jonquilles, iris, delphiniums, rosiers, pivoines… – et par des plantations de vignes et de framboisiers qui assuraient un complément de revenus aux arboriculteurs – et une plus grande bio-diversité au site.
Là encore, l’avènement du rail a rapproché la vallée du Rhône de la capitale, et sonné le glas de la production des pêches à Montreuil – que l’ association montreuilloise Les Mûrs à Pêches veut faire revivre aujourd’hui.
Les initiatives actuelles.
On peut revenir en arrière? Oui, un peu. Envisager la culture vivrière en ville, les habitants de ce qu’ils mangent, mais aussi proposer des solutions d’agriculture urbaine, c’est le but de plein d’initiatives ces dernières années. On a déjà parlé des
48 heures d l’agriculture urbaine que nous avons co-organisé dans la région – et que nous serons ravi de retrouver au printemps prochain. On peut citer l’exemple de Lufa Farm à Montréal, ou beaucoup plus proches de nous, le projet de Ferme Circulaire du Trichon à Roubaix – mais il y en a trop pour tous les citer. Bref, on y va?
Et Groww c’est quoi?
C’est la minute prosélytisme : si vous ne connaissez pas encore l’application Groww, essayez la, c’est gratuit, et ça vous rappelle ce que vous avez à faire au jardin. Et si on peut participer à ce beau mouvement qui amènera plus de fruits et de légumes qui viennent de plus près, et vous mettre les doigts dans la terre, on sera ravis, voilà.
Image d’en tête : Les hortillonnages d’Amiens – image Julien