
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe chez les plantes (1 sur 3)
Une petite référence au film de Woody Allen, ce titre ! Que l’on ne nous accuse pas de tromperie, c’est bien de sexe dont on va parler ici!
Mais si ce cher Woody se posait des tas de questions sur l’intérêt comparé de telle ou telle pratique sexuelle (et comment, accessoirement, y arriver), les plantes elles, jusqu’à preuve du contraire, n’éprouvent pas de plaisir, et ne pratiquent le sexe que pour se reproduire. Et elles ont inventé pour se faire des stratégies parfois très diverses, parfois tout à fait originales (ce sera notamment l’objet de l’article suivant de cette série) mais qui ont toutes un sens, une raison d’être.
Voici donc une nouvelle série d’articles sur les stratégies de reproduction des plantes. On verra aussi que les plantes arrivent à assurer leur descendance, et parfois de manière efficace, sans sexe – sans reproduction sexuée. On y reviendra. Commençons par ce qui vous a amené ici, n’est ce pas?
La reproduction sexuée.
La sexualité des plantes commence avec la pollinisation : c’est l’histoire de la petite graine du papa qui rencontre la petite graine de la maman. Chez nous les humains, et chez les mammifères en général, il n’y a pas 36 méthodes, mais c’est beaucoup plus rigolo avec les plantes.
Pollinisation autogame ou allogame.
Déjà, certaines plantes sont dites « autogames » ou « allogames » : en clair, cela signifie que certaines sont capables de féconder elles-mêmes, par leur propre pollen, au sein d’une même fleur le pistil, alors que d’autres ont besoin d’une autre fleur à plus ou moins grande proximité. Par exemple, les tomates, les pois, les laitues sont dites autogames : un plant de tomate seul vous donnera des tomates, avec des graines, même s’il n’y a pas d’autre plant de tomates à des kilomètres : il vous donnera même des graines si celui -ci ne porte qu’une seule fleur !
Dans certains cas, les plantes de la même espèce sont soit entièrement mâles, soit entièrement femelles. C’est le cas chez les espèces dites « dioïques » telles que l’asperge, l’épinard ou le houblon – dans d’autres, un plant va porter des fleurs mâles et des fleurs femelles : c’est le cas des courgettes et des concombres !
Dans la pratique, 50% des angiospermes (des plantes à fleurs, si vous voulez) sont des allogames exclusifs (c’est à dire qu’ils n »utilisent QUE ce mode), 20% sont autogames exclusives, et 30% sont dits « mixtes ».
Et là, mon fils de 6 ans (et vous, peut-être?) fronce les sourcils, et demande : POURQUOI?
Mais pourquoi?
C’est vrai ça pourquoi? Pourquoi des plantes ont elles des modes de reproduction différents? Hé bien, on peut avancer une hypothèse : le mode adopté correspond à la stratégie choisie par la plante, qui est directement liée à son environnement. Le but de la plante est TOUJOURS d’assurer sa descendance, simplement elle choisit des moyens différents pour s’adapter à son milieu.
Ainsi, une plante va « choisir » le mode autogame, par exemple, parce que les pollinisateurs sont rares – en vertu du principe qu’il « vaut mieux être seul que mal accompagné ». Ou simplement parce qu’elle cherche à occuper l’espace, vite, en multipliant les individus. C’est aussi un choix de facilité : c’est moins risqué, ça demande moins d’énergie !
Mais cette facilité a un coût : la reproduction strictement autogame ne permet pas un brassage génétique : il y a risque d’érosion de la diversité ! A l’inverse la reproduction allogame nécessite un investissement supérieur, mais promet une variabilité génétique plus grande, donc un potentiel évolutif fort pour s’adapter à un environnement qui change.
Et l’environnement change : c’est l’hypothèse de la Reine rouge, proposée par Leigh Van Valen, qui peut se résumer ainsi : « l’évolution permanente d’une espèce est nécessaire pour maintenir son aptitude suite aux évolutions des espèces avec lesquelles elle coévolue ». En clair, si je n’évolue pas mais que les autres évoluent, je vais disparaître.
Il faut donc s’adapter, quitte à rester allogames mais à multiplier ses chances d’arriver au but !
Une lutte sans merci pour séduire… les insectes.
Les plantes ont donc développé des trésors d’ingéniosité pour, notamment, attirer les insectes pollinisateurs. On croit parfois innocemment que la nature fait bien les choses en nous offrant des fleurs de si jolies couleurs et formes. On se trompe sûrement, la nature se contrefout de la beauté. Une plante qui fait des fleurs de couleurs vives essaie juste d’attirer l’attention des insectes pollinisateurs.
Et d’ailleurs, si le besoin ne se fait pas sentir, pas besoin de se fatiguer ! Les montagnes de Nouvelle-Zélande, par exemple, se distinguent par une très grande majorité d’espèces à fleurs blanches. Pourquoi? Cette absence de pigments floraux est à mettre en relation avec la rareté dans cette région des insectes pollinisateurs attirés par les couleurs. Par exemple les papillons de jour, les abeilles et les bourdons y sont rares, et la pollinisation est majoritairement assurée par des diptères – des mouches – qui sont bien plus sensibles aux odeurs.
A l’inverse, si les insectes présents sont sensibles aux couleurs, les plantes vont littéralement rivaliser de créativité pour arborer les coloris les plus flashy – souvent dans les tons les plus susceptibles d’attirer l’espèce qui l’intéresse ! Et la couleur évidemment ne suffit pas : la taille d’une fleur, mais aussi leur disposition n’a pas pour but d’égayer l’oeil du jardinier, mais bien d’attirer le maximum de pollinisateurs. Les fleurs en ombelle, si on y regarde bien, c’est un véritable restaurant à ciel ouvert pour certains insectes ! Ce rudbeckia pourpre ne semble -t- il pas bomber fièrement la poitrine qu’il offre à son papillon?
Joli Vanessa cardui sur un Rudbeckia pourpre, image par Jim Bauer
En quand ni la couleur ni la taille ne sont suffisantes, c’est l’odeur ! Certaines fleurs exotiques, comme le réputé Arum titan, sont réputées pour avoir une véritable odeur de cadavre : c’est tout simplement parce que les insectes qu’elles souhaitent attirer sont coprophages. Et s’ils sont loin, peu importe, Arum titan diffuse son parfum à plus de 800 mètres…
Mais parfois, cela va encore plus loin, et certaines plantes ont développé des stratégies bien plus complexes, comme de capturer les insectes pour les tartiner longuement de pollen avant de les relâcher ! Ce sera l’objet d’un prochain article. Stay tuned !
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Image d’en tête : des coeurs de Marie, par Karen Roe.
lovinair
Article et sujet de série instructif et intéressant !.., je ne me lasse pas du style naturel et léger, qui accomode avec humour et fait très bien passer, un « la nature se contrefout de la beauté » un chouïa ‘groww’ssier ;’) Hop hop hop, allons voir d’abord cet article sur « L’hypothèse de la reine rouge » avant l’article 2 …